Le tumulte autour du barème Macron qui a été institué par ordonnance du 22 septembre 2017 destiné à fixer un plafond et un plancher pour les indemnisations octroyées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, est relancé avec un arrêt de la Cour d’appel de Reims prononcé le 25 septembre dernier.

Dans son arrêt, la Cour d’appel de Reims ouvre la porte à une appréciation individualisée de l’application du barème selon un contrôle in concreto de la conventionnalité du barème. In fine, ce contrôle in concreto permettrait au juge d’écarter dans certains cas exceptionnels l’application d’une loi pourtant conventionnelle mais qui porterait atteinte de façon disproportionnée aux droits du salarié. Encore faut-il que ce dernier demande expressément au juge de rechercher cette atteinte à la proportionnalité.

Rappelons que cet arrêt intervient deux mois après l’avis rendu par la formation plénière de la Cour de Cassation du 17 juillet dernier qui a validé la conventionnalité du barème Macron au regard de l’article 10 de la convention N° 158 de l’OIT. Notons que la question de l’article 24 de la charte sociale européenne n’a pas été discutée par la Cour de cassation au motif que cet article n’a pas d’effet direct en droit français.

La Cour de cassation a notamment retenu que les plafonds d’indemnisations prévus par le droit français notamment quand le salarié à une faible ancienneté (un an) sont compatibles avec l’article 10 de la convention 158 de l’OIT qui exige que « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » au motif que le terme “adéquat” devait être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation. La Cour précise que le barème est écarté en cas de nullité du licenciement.

Malgré cet avis qui était très clair, des conseils de prud’hommes pour certains en formation de Départage (notamment Grenoble 22-07-2019, Nevers 26-07-2019 ; Troyes 27-07-2019 ; le Havre 10 septembre 2019) continuent de s’affranchir des plafonds imposés par l’article L 1235-3 du Code du travail au motif que le barème ne permettrait pas dans tous les cas une réparation appropriée du préjudice au sens des articles 10 de la convention n°158 de l’OIT et 24 de la chartre sociale européenne.

Précisons que techniquement, les juges du fond ne sont pas tenus par l’avis rendu par la Cour de Cassation. Néanmoins en cas de pourvoi en cassation, la Chambre sociale ne devrait pas dévier de la ligne tracée par la formation plénière de la Cour de cassation.

Cet avis incitera encore davantage les salariés à se placer chaque fois que cela est possible sur le terrain de la nullité du licenciement invoquant notamment une discrimination, un harcèlement ou encore le caractère brutal et vexatoire de la rupture.

Précisons enfin qu’au plan international, des recours ont été déposés par des organisations syndicales devant le Bureau international du travail (BIT), organe de contrôle de la convention 158 de l’OIT) ainsi que devant le Comité européen des droits Sociaux (CEDS), organe de de contrôle de l’application de la Chartes sociale européenne.

Dernier rebondissement en date du 30 octobre 2019 avec la Cour d’appel de Paris qui a décidé de prendre une position différente de celle de la Cour d’appel de Reims en validant purement et simplement la conventionnalité du barème, sans possibilité d’y déroger. Reste à suivre comment vont se positionner les autres Cours d’appel dans les prochains mois…